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— Et comment voulez-vous que je puisse l’entendre différemment ? reprit-elle. Une demoiselle ne se déshonore-t-elle pas en se donnant à un autre homme que son époux ? Je ne veux pas me déshonorer, vous ne le voudriez pas non plus, vous qui m’aimez ; vous ne voudriez pas me faire un tort irréparable. Si vous aviez cette intention, vous seriez mon plus mortel ennemi.

— Attendez, Edmée, attendez, repris-je ; je ne puis rien vous dire de mes intentions, je n’en ai jamais eu d’arrêtées à votre égard. Je n’ai eu que des désirs, et jamais je n’ai pensé à vous sans devenir fou. Vous voulez que je vous épouse ? Eh ! pourquoi donc, mon Dieu ?

— Parce qu’une jeune fille qui se respecte ne peut appartenir à un homme sans la pensée, sans la résolution, sans la certitude de lui appartenir toujours. Ne savez-vous pas cela ?

— Il y a tant de choses que je ne sais pas, ou auxquelles je n’ai jamais pensé !

— L’éducation vous apprendrait, Bernard, ce que vous devez penser des choses qui vous intéressent le plus, de votre position, de vos devoirs, de vos sentiments. Vous ne voyez clair ni dans votre cœur, ni dans votre conscience. Moi qui suis habituée à m’interroger sur toute chose et à me gouverner moi-même, comment voulez-vous que je prenne pour maître un homme soumis à l’instinct et guidé par le hasard ?

— Pour maître ? pour mari ! Oui, je comprends que vous ne puissiez soumettre votre vie tout entière à un animal de mon espèce… Mais je ne vous demandais pas cela, moi !… et je n’y puis penser sans frémir !

— Il faut que vous y pensiez cependant, Bernard ; pensez-y beaucoup, et, quand vous l’aurez fait, vous sentirez la nécessité de suivre mes conseils et de mettre votre es-