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— Elle m’a promis, repris-je en souriant, de me regarder toujours comme son frère et son ami. Ne sont-ce pas là vos paroles, Edmée, et croyez-vous que cela se prouve avec de l’argent ?

Elle se leva avec vivacité, et, me tendant la main, elle me dit d’une voix émue :

— Vous avez raison, Bernard, vous êtes un grand cœur, et je ne me pardonnerais pas si j’en doutais un instant.

Je vis une larme au bord de sa paupière, et je serrai sa main un peu trop fort sans doute, car elle laissa échapper un petit cri accompagné d’un charmant sourire. Le chevalier m’embrassa, et l’abbé dit à plusieurs reprises en s’agitant sur sa chaise :

— C’est beau ! c’est noble ! c’est très beau ! On n’a pas besoin d’apprendre cela dans les livres, ajouta-t-il en s’adressant au chevalier. Dieu écrit sa parole et répand son esprit dans le cœur de ses enfants.

— Vous verrez, dit le chevalier vivement attendri, que ce Mauprat relèvera l’honneur de la famille. Maintenant, mon cher Bernard, je ne te parlerai plus d’affaires. Je sais comment je dois agir, et tu ne peux pas m’empêcher de faire ce que bon me semblera pour que mon nom soit réhabilité dans ta personne. La seule réhabilitation véritable m’est garantie par tes nobles sentiments ; mais il en est encore une autre que tu ne refuseras pas de tenter : c’est celle des talents et des lumières. Tu t’y prêteras par affection pour nous, je l’espère ; mais ce n’est pas encore le temps d’en parler. Je respecte ta fierté et veux assurer ton existence sans conditions. Venez, l’abbé, vous allez m’accompagner à la ville chez mon procureur. La voiture est prête. Vous, enfants, vous allez déjeuner ensemble. Allons, Bernard, donne le bras à ta cousine, ou, pour mieux dire,