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me servir de tuteur, payez-moi la rente de mon huitième de propriété sur le fief, et n’exigez pas que j’apprenne vos sornettes de latin. Un gentilhomme en sait assez quand il peut abattre une sarcelle et signer son nom. Je ne tiens pas à être seigneur de la Roche-Mauprat, c’est assez d’y avoir été esclave. Vous êtes un brave homme, et, sur mon honneur, je vous aime ; mais je n’aime guère les conditions. Je n’ai jamais rien fait par intérêt ; et j’aime mieux rester ignorant que de devenir bel esprit aux gages du prochain. Quant à ma cousine, je ne consentirai jamais à faire une pareille brèche dans sa fortune. Je sais bien qu’elle ferait volontiers le sacrifice d’une partie de sa dot pour se dispenser…

Edmée, qui était restée fort pâle et comme distraite jusque-là, me lança tout à coup un regard étincelant, et m’interrompit pour me dire avec assurance :

— Pour me dispenser de quoi, s’il vous plaît, Bernard ?

Je vis que, malgré son courage, elle était fort émue ; car elle brisa son éventail en le fermant. Je lui répondis, avec un regard où l’honnête malice du campagnard devait se peindre :

— Pour vous dispenser, cousine, de tenir certaine promesse que vous m’avez faite à la Roche-Mauprat.

Elle devint plus pâle qu’auparavant, et son visage prit une expression de terreur que déguisait mal un sourire de mépris.

— Quelle promesse lui avez-vous donc faite, Edmée ? dit le chevalier en se tournant vers elle avec candeur.

En même temps, le curé me serra le bras à la dérobée, et je compris que le confesseur de ma cousine était en possession de notre secret.

Je haussai les épaules ; leurs craintes me faisaient injure et pitié.