Page:Sand - Mauprat.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’erreur : il avait eu un jour d’oubli avec quelque bouvière.

— Allons donc ! Leblanc, vous allez trop loin…

— Eh ! mon Dieu ! mademoiselle, est-ce que M. le chevalier n’a pas été jeune comme un autre ? et cela empêche-t-il la vertu de venir avec l’âge ?

— Sans doute, tu sais ce qui en est par expérience. Mais écoute, ne t’avise pas de taquiner ce jeune homme. Tu as peut-être deviné juste ; mon père exige qu’on le traite comme l’enfant de la maison.

— Eh bien ! c’est agréable pour Mademoiselle ! Quant à moi, qu’est-ce que cela me fait ? Je n’ai pas affaire à ce monsieur-là.

— Ah ! si tu avais trente ans de moins !…

— Mais est-ce que Monsieur a consulté Mademoiselle pour installer ce grand brigand-là chez elle ?

— Est-ce que tu en doutes ? Y a-t-il au monde un meilleur père que le mien ?

— Mademoiselle est bien bonne aussi… Il y a bien des demoiselles à qui cela n’aurait guère convenu.

— Et pourquoi donc ? Ce garçon-là n’a rien de déplaisant ; quand il sera bien élevé…

— Il sera toujours laid à faire peur.

— Il s’en faut de beaucoup qu’il soit laid, ma chère Leblanc ; tu es trop vieille, tu ne t’y connais plus.

Leur conversation fut interrompue par le chevalier, qui vint chercher un livre.

— Mademoiselle Leblanc est ici ? dit-il d’un air très calme. Je vous croyais en tête-à-tête avec mon fils. Eh bien ! avez-vous causé ensemble, Edmée ? Lui avez-vous dit que vous seriez sa sœur ? Es-tu content d’elle, Bernard ?

Mes réponses ne pouvaient compromettre personne ; c’étaient toujours quatre ou cinq paroles incohérentes, estropiées par la honte. M. de Mauprat retourna à son