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Elle fut, en effet, assez mal pendant quelques jours pour donner de l’inquiétude. Dans les terribles émotions qu’elle avait éprouvées, elle avait déployé beaucoup d’énergie ; mais elle subit une réaction assez violente. De mon côté, je fus retenu au lit ; je ne pouvais faire un pas sans ressentir de vives douleurs, et le médecin me menaçait d’y rester cloué pour plusieurs mois si je ne me soumettais à l’immobilité pendant quelques jours. Comme j’étais, d’ailleurs, en pleine santé et que je n’avais jamais été malade de ma vie, la transition de mes habitudes actives à cette molle captivité me causa un ennui dont rien ne saurait rendre les angoisses. Il faut avoir vécu au fond des bois, dans toute la rudesse des mœurs farouches, pour comprendre l’espèce d’effroi et de désespoir que j’éprouvai en me trouvant enfermé pendant plus d’une semaine entre quatre rideaux de soie. Le luxe de mon appartement, la dorure de mon lit, les soins minutieux des laquais, tout, jusqu’à la bonté des aliments, puérilités auxquelles j’avais été assez sensible le premier jour, me devint odieux au bout de vingt-quatre heures. Le chevalier me faisait de tendres et courtes visites, car il était absorbé par la maladie de sa fille chérie. L’abbé fut excellent pour moi. Je n’osais dire ni à l’un ni à l’autre combien je me trouvais malheureux ; mais, lorsque j’étais seul, j’avais envie de rugir comme un lion mis en cage, et, la nuit, je faisais des rêves où la mousse des bois, le rideau des arbres de la forêt et jusqu’aux sombres créneaux de la Roche-Mauprat m’apparaissaient comme le paradis terrestre. D’autres fois, les scènes tragiques qui avaient accompagné et suivi mon évasion se retraçaient si énergiquement à ma mémoire que, même éveillé, j’étais en proie à une sorte de délire.

Une visite de M. de La Marche augmenta le désordre et l’exaspération de mes idées. Il me témoigna beaucoup