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— Monsieur, rendez-vous, dit le sous-officier de maréchaussée en s’emparant de Léonard.

— Jamais un Mauprat ne traînera son nom sur les bancs d’un présidial, répondit Léonard d’un air sombre. Je me rends, mais vous n’aurez que ma peau.

Et il se laissa asseoir sur une chaise sans faire de résistance.

Tandis qu’on se préparait à le lier :

— Une seule, une dernière charité, mon père, dit-il au curé. Passez-moi le reste de la gourde ; je me meurs de soif et d’épuisement.

Le bon curé lui passa la gourde, qu’il avala d’un trait. Sa figure décomposée avait une sorte de calme effrayant. Il semblait absorbé, atterré, incapable de résistance. Mais, au moment où on lui liait les pieds, il arracha un pistolet à la ceinture d’un des gendarmes et se fit sauter la cervelle.

Je fus bouleversé de ce spectacle affreux. Plongé dans une morne stupeur, ne comprenant plus rien à ce qui m’entourait je restai pétrifié, ne m’apercevant pas que, depuis quelques instants, j’étais l’objet d’un débat sérieux entre la maréchaussée et mes hôtes. Un gendarme prétendait me reconnaître pour un Mauprat Coupe-Jarret. Patience niait que je fusse autre chose qu’un garde-chasse de M. Hubert de Mauprat escortant sa fille. Ennuyée de ce débat, j’allais me nommer, lorsque je vis un spectre se lever à côté de moi. C’était Edmée qui s’était collée entre la muraille et le pauvre cheval effrayé du curé, lequel, les jambes étendues et l’œil en feu, lui faisait comme un rempart de son corps. Elle était pâle comme la mort, et ses lèvres étaient tellement contractées d’horreur qu’elle fit d’abord des efforts inouïs pour parler, sans pouvoir s’exprimer autrement que par signes. Le sous-officier, touché