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— Marianne a beaucoup d’esprit, s’écria madame André, et beaucoup de raison ; tu ne la connais pas.

— C’est vrai ; elle est très-mystérieuse pour moi.

— C’est ta faute ; tu lui parles si peu et tu profites si mal des occasions de la connaître !

— C’est un peu ma faute, mais encore plus la tienne. Je t’assure qu’elle aime le rôle de sphinx, et, moi, je n’ai pas la hardiesse de Philippe Gaucher pour soulever le voile de pudeur d’une jeune fille. Elle a beau être une enfant pour moi, c’est une femme, et je ne sais pas brutaliser la réserve d’une femme.

XV

Madame André réfléchit quelques instants, puis elle prit la main de son fils et lui dit :

— Tu es timide, trop timide ! Si tu l’avais voulu, c’est toi que Marianne eût aimé, toi, toi seul qu’elle eût épousé.

— Tu me reproches un bien vieux péché ! Il y a de cela six ans. Songe donc qu’il y a six ans je ne pouvais déjà plus penser au mariage.

— Pourquoi ? Est-on vieux à trente-cinq ans ?

— On l’est assez pour juger son avenir par la comparaison avec le passé. Quand, à trente-cinq ans, on n’a pas su faire fortune, on peut se dire qu’on ne le saura jamais, et on doit se retirer des embarras et des émotions de la vie.

— C’était raison de plus pour faire un bon mariage.

— Rechercher l’amour en vue d’un bon mariage, voilà ce que je n’ai jamais su faire et ce que je ne saurai jamais.

— Oui, oui, je comprends, je te connais. J’ai aussi