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XI

Ils avaient fini de dîner. Ils allaient au-devant de Marianne, qui approchait au petit galop cadencé de Suzon. Marianne sauta à terre sans presque la retenir. La docile bête s’arrêta court comme si elle eût deviné sa pensée, et la suivit au pas jusque devant le chalet, d’où, prenant à gauche, elle s’en alla seule à son gîte accoutumé, un petit coin de grange qu’elle connaissait bien et qu’elle partageait avec l’ânesse de la métairie.

Marianne avait pour tout costume d’amazone une veste-camisole de bazin blanc, un chapeau rond en paille de riz et une longue jupe rayée de bleu et de gris qu’elle relevait très-vite et très-gracieusement sur le côté au moyen d’une ceinture de cuir ad hoc. Elle portait ses cheveux courts et frisés, et cette coiffure de petite fille, ajoutée à sa taille fine et peu élevée, lui donnait toujours l’aspect d’une enfant de quatorze à quinze ans tout au plus. Son teint blanc mat, légèrement bistré autour des yeux et sur la nuque, n’était ni piqué ni marbré par le soleil. Ses traits étaient délicats, ses dents très-belles. Il ne lui manquait pour être jolie que d’avoir songé à l’être, ou de croire qu’elle pouvait le paraître.

— Eh bien, lui dit madame André en l’embrassant, nous savons ce qui t’amène, ma chère petite. Te voilà décidée au mariage.

— Non, madame André, répondit Marianne, je ne suis pas décidée encore.

— Si fait ; puisque tu veux voir le prétendant, tu es décidée à l’accepter s’il te convient.

— C’est là la question. La vue n’en coûte rien, comme disent les marchands. Consentez-vous à me l’amener dimanche ?