— D’abord, pourquoi as-tu cessé de me tutoyer depuis que me voilà définitivement revenu ? C’est donc le respect que t’inspire mon grand âge ?
— Non, vous n’êtes pas vieux, et je ne suis plus toute jeune.
— Alors qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ne réponds-tu jamais directement à une question directe ?
Marianne parut surprise, et, regardant André avec attention :
— Vous êtes de mauvaise humeur aujourd’hui ? lui dit-elle.
Il fut frappé de son regard empreint de fierté et de pénétration. C’était la première fois qu’elle le regardait ainsi.
— Je suis de mauvaise humeur, c’est vrai, répondit-il. J’ai à te faire une communication embarrassante, et tu ne m’aides pas du tout.
— Embarrassante ? dit Marianne en le regardant encore avec une certaine inquiétude. Qu’est-ce qui peut être embarrassant entre vous et moi ?
— Tu vas le comprendre. Marchons, il fait trop frais encore pour s’arrêter à l’ombre quand on a chaud. Veux-tu me donner le bras ?
Marianne passa sans rien dire son bras sous celui d’André ; elle attendait.
— Eh bien, dit-il brusquement en reprenant sa marche, voilà ce que c’est. Une personne qui voudrait te connaître s’est adressée à moi. Je ne crois pas pouvoir te la présenter sans y être autorisé par toi, car je ne veux pas te mettre en rapport avec elle par surprise.
— Je vous en remercie, mon parrain. Une surprise, en effet, me déplairait beaucoup. Il s’agit sans doute d’un projet de mariage ?
— Précisément.
— Vous savez que j’en ai refusé plusieurs ?
— Ma mère me l’a dit. Elle prétend que tu ne veux pas te marier, est-ce vrai ?
— Non, elle se trompe. Je ne veux pas des prétendants qu’on m’a offerts, voilà tout.