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que j’en disais était pour voir si tu le défendrais avec énergie. Du moment que tu n’attachais aucune importance à ses exagérations de sentiment, je ne serais pas fâchée de le voir reparaître. Il m’amusait, et notre pauvre père est tellement fou de musique, que je saurais gré à ce grand virtuose de revenir jouer pour nous seules ces belles choses que je ne comprends guère, mais qui ont trouvé tant d’admirateurs dans les quatre parties du monde.

— Moi, je ne le désire pas, répondis-je. Je crains un peu pour notre bien-aimé père ces émotions vives. Il a passionnément aimé celles du barreau, et, quand la mauvaise santé de notre mère l’a forcé de renoncer à son pays et à son état, il a fait à l’amour conjugal un sacrifice immense. Nous ne l’avons pas su, nous eussions été trop jeunes pour le comprendre. Je ne m’en suis rendu compte qu’après la mort de maman et surtout depuis ton mariage. J’ai vu alors mon père en proie à des regrets profonds et tenté d’aller reprendre son état. Il serait trop tard, n’est-ce pas ? Sa vie n’est plus assez modifiable, il est trop vieux en un mot, et ce qu’il lui faut, c’est l’existence que j’ai arrangée pour lui.

— Raison de plus, reprit Adda, pour que tu lui procures toutes les distractions possibles à domicile.

— C’est selon lesquelles. Je n’aime pas à voir ses nerfs trop excités.

— Ma chère Sarah, tu n’entends rien à la vie