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pas comme un épicier qui engraisse. Il meurt tout entier, et pour cela il aspire à mourir jeune…

Je voulus en vain le contredire ou lui prouver qu’il se contredisait lui-même. Il eut la réplique prompte, vive et tenace. La raison est si peu bruyante, que le paradoxe l’emporte toujours sur elle. Je sentis qu’une personne comme moi ne pouvait avoir aucune prise sur cet esprit ardent, engagé dans une voie diamétralement opposée à la mienne. Je résolus de l’y laisser sans regret. En ce moment-là, je crus reconnaître qu’il n’y avait pas de lien possible entre nous, et que cela devait m’être indifférent.

Après le déjeuner, il prit congé de nous, nous chargea de présenter son respect à madame de Rémonville, nous remercia vivement de notre bon accueil et se retira. Mon père voulut le conduire jusqu’à Revins, où l’artiste devait retrouver son domestique et ses bagages, et il me pria d’engager M. Abel avenir nous voir l’hiver à Paris. Je fis cette invitation très-froidement, et ce fut d’un ton encore plus froid qu’il me répondit : « Je n’y manquerai certainement pas. » Je dus l’accompagner jusqu’à la barque qui devait transporter mon père et lui à Revins, car la petite Sarah pleurait et s’attachait à l’artiste qui l’avait charmée. Elle voulait s’en aller avec lui en bateau. J’eus quelque peine à la consoler quand il lui fallut rester au rivage. Je lui fis un beau sermon pour lui reprocher de s’engouer