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à regarder le violon et celui qui en jouait, car, pour la rassurer, il recommençait en riant la chanson de la Demoiselle.

Dès qu’il eut fini, elle consentit à aller à lui et à lui tendre sa petite main, qu’il baisa avec un air de bonté attendrie dont il était certainement impossible de lui savoir mauvais gré. J’allais m’ éloigner en le saluant sans lui rien dire, quand il m’adressa la parole avec une confiance surprenante. Il me demandait pardon d’avoir fait pleurer ma petite fille. Il s’accusait d’indiscrétion pour avoir écouté et répété ma chanson ; mais, selon lui, cette chanson était un bijou, un chef-d’œuvre. Il était musicien par passion et virtuose de son état. Il avait entendu malgré lui, sans préméditation, sans nous voir et sans songer à nous regarder, une chose qui l’avait ravi, une voix d’enfant qui l’avait ému. Il voyageait à pied dans ce beau pays, portant son sac et son violon, son inséparable, son gagne-pain. Il n’avait pu résister au désir de se répéter à lui-même ce qu’il entendait ; mais il avait résisté à l’envie de demander le nom du maître, et il se fût tenu caché si l’enfant n’eût pris peur. Il avait alors jugé devoir se montrer pour la tranquilliser. — Il me débita tout cela avec une vivacité et une facilité qui m’étonnèrent sans me toucher autrement. Je ne voyais en lui qu’un artiste ambulant qui désirait montrer son savoir-faire et improvisait des louanges exagérées, vraiment absurdes, de ma chansonnette,