ne fût encore en danger ? Quelle déchirante espérance !
La fin de la journée me surprit dans les bois. Je pensai que mes gens seraient inquiets : sans cela, je crois que je fusse restée dehors toute la nuit, tant je craignais de rentrer dans cette maison déserte ; mais nos malheurs ne nous donnent pas le droit de contrister même le plus humble dévouement. Je rentrai dîner, je ne pouvais pas venir à bout de manger, et je voyais dans les yeux de la femme qui me servait des larmes d’inquiétude et de pitié. Le chien de mon père vint me caresser, il était triste aussi et refusait les aliments. Dans un moment où je fus seule avec lui, je le décidai à manger, et ma bonne servante put croire que j’avais mangé aussi.
Tout le monde était fatigué chez moi, tout le monde avait pleuré les enfants et mon chagrin. Je feignis d’aller me coucher afin que mes gens pussent se coucher aussi de bonne heure. Quand je n’entendis plus remuer dans la maison, je sortis sans bruit. Ce petit lit de Sarah vide, à côté du mien, ce berceau du baby, vide aussi dans la chambre voisine, ce désordre d’un départ précipité, les jouets épars, des fleurs effeuillées sur les tapis, un petit chausson oublié sur une chaise,… il semblait que des brigands fussent entrés chez moi, qu’ils eussent tout pillé et emmené les enfants… Pourquoi avaient-ils oublié de me tuer ?