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fait bon accueil. Tu craignais qu’elle ne me connût pas, qu’elle ne refusât de me recevoir. Elle me connaît, va ! et elle me plaint. Elle n’est pas comme les autres, elle ! Ah ! si je pouvais rester auprès d’elle, je serais vite et tout à fait guérie ; mais je ne veux pas l’importuner longtemps. Va dire au cocher de faire rafraîchir ses chevaux, mais de ne pas dételer.

— Il vous faut au moins une heure de repos, lui dis-je. Permettez que je fasse dételer.

Je sonnai, je donnai des ordres, et je restai seule avec mademoiselle d’Ortosa.

— Quel contraste entre nous ! me dit-elle. Les deux extrêmes ! la raison, la bonté, la patience en face de la cruauté, de l’extravagance et de la dévorante jalousie ! Sachez tout, miss Owen, j’ai été jalouse de vous jusqu’à la haine. Je pourrais vous laisser croire que j’ai oublié mon atroce conduite, et que j’étais déjà folle quand je vous ai écrit cette lettre qui a du rompre votre mariage. Eh bien, non, je ne sais ni ne veux mentir. Je n’étais pas folle, j’étais exaspérée. L’attrait que j’exerçais sur Abel ne me suffisait pas : je voulais son amour, et je sentais que je ne pouvais vous l’ôter. Le dépit m’amena jusqu’à lui offrir de l’épouser. Il me répondit grossièrement : « Votre amant, oui ; votre mari, jamais ! Ma parole est engagée, je ne la reprendrai pas. » C’est ainsi que nous nous sommes quittés. Je jure