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torpeur, examinant mon visage et regardant ma main qui tenait la sienne, elle fit un faible cri et se jeta dans mes bras en sanglotant. Ces sanglots convulsifs sans larmes étaient déchirants. Je lui parlai avec douceur et lui donnai un baiser sur le front. Elle tomba à mes pieds, serra mes genoux contre sa poitrine et s’évanouit.

Au même instant parut sa femme de chambre, qui était tout près de nous sans se montrer. Elle m’aida à la faire revenir, et nous la conduisîmes dans le salon, où je la couchai sur un sofa. Cette femme de chambre, qui était une personne dévouée, une Anglaise de fort bon air, me dit qu’il fallait tâcher de la faire manger, parce que le dégoût des mets était pour le moment son plus grand mal. J’essayai et je réussis. Peu à peu, mademoiselle d’Ortosa consentit à prendre quelques aliments, et j’assistai au retour assez rapide de sa lucidité complète. D’abord elle fut comme partagée entre l’illusion et la réalité. Tantôt se croyant reine ou impératrice, elle me donnait des ordres du ton d’une actrice qui joue un rôle ; tantôt, se rendant compte de sa situation, elle me demandait humblement pardon de l’embarras qu’elle me causait. Bientôt la raison prévalut, et, s’adressant à sa suivante :

— Ma bonne Clary, lui dit-elle, me voilà tout à fait bien. Tu peux me laisser seule avec miss Owen. J’ai à lui parler. Tu vois bien qu’elle m’a