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trouble qu’une autre a mis en moi. J’oublierais mes résolutions, j’offenserais, j’épouvanterais l’honnête fille. Mieux vaut faire un dernier effort pour assouvir la folle passion qui me torture. Si j’échoue encore, j’irai demander la main de celle qui doit me guérir. »

Je reconnus la vraisemblance de mon explication en relisant le billet de Nouville. Il était le plus cher et le plus intime ami d’Abel, et, après une séparation assez longue, Abel avait laissé passer vingt-quatre heures à Paris sans l’aller voir ; c’est par hasard qu’ils s’étaient rencontrés. Abel ne lui avait rien dit de mademoiselle d’Ortosa, il n’avait parlé que de moi et de ses projets de mariage, il l’avait chargé de savoir le jour du retour de mon père. Le bon Nouville attribuait à l’impatience de me revoir ce qui n’était sans doute chez Abel que l’espoir de gagner un jour de plus à passer à Paris.

J’ouvris avec distraction l’autre lettre, d’une écriture inconnue ; elle contenait ces mots :

« Que faites-vous donc, miss Owen ? Voici que je rencontre Abel face à face à la sortie des Italiens. Votre nonchalance m’est fort désagréable ; décidez-vous donc à l’épouser et à me débarrasser de lui, et, si vous n’en voulez plus, dites à votre petite sœur de s’en charger.

» Toute à vous. — Carmen d’Ortosa. »

J’écrivis sur-le-champ à Nouville de dire à Abel que mon père était revenu, puis reparti pour l’Angleterre ; il ne serait de retour que dans un mois,