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corrompu d’Abel est le plus ingénu des hommes.

» Je suis venue vous voir, je vous ai attirée à un rendez-vous, je vous ai fait surveiller par le petit Ourowski. Abel n’était pas arrivé. Vous ne l’attendiez pas, mais j’étais sûre qu’il arriverait, et j’ai appris que vous vous absentiez. J’ai battu alors le pays avec les hommes du Francbois sous prétexte de beau temps et de genêts en fleurs. Je n’ai pu retrouver vos traces ; mais, un soir de pluie, il y a cinq jours, aux portes de Givet, où nous allions dîner en passant, nous avons failli écraser un piéton distrait que j’ai reconnu comme au vol. J’ai dit tout bas à Ourowski : « C’est Abel ! » et l’enfant l’a crié tout haut. Aussitôt les voitures et les cavaliers de notre bande l’ont entouré, saisi, jeté bon gré mal gré dans la calèche de lord Hosborn. Moi, j’étais à cheval. On roulait sur l’infernal pavé de Givet. Abel a été surpris de me voir quand les lumières du dîner nous ont rassemblés à l’hôtel du Mont d’Or, Peut-être eût-il fui obstinément, s’il m’eût aperçue plus tôt, je n’en sais rien. Il fut très-maître de lui en me reconnaissant, et ne se dégagea point de la parole qu’il avait donnée à lord Hoshorn de se laisser emmener pour quelques jours au Francbois. Je compris fort bien qu’il avait trouvé le gîte favorable pour se tenir à portée de vous, mais qu’il eût préféré ne pas le partager avec moi. Je lui parlai comme si nous nous fussions quittés la veille dans les meilleurs termes. Il se montra homme de