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sacrifices que ceux de mon temps et de ma peine. J’aurais bien volontiers donné ma vie, s’il l’eût fallu ; mais donner mon âme, sacrifier mon amour… je n’ai jamais admis cela. Tu l’admets, toi ! Je m’efforce de t’admirer, et je suis en colère. Je ne peux pas dire : « C’est bien, » et pourtant tu pleures de n’être pas compromise, tu sens que je suis trop égoïste et trop brutal pour t’apprécier. Tu me trouves injuste et cruel peut-être ? — Tu as raison, puisque tu souffres, puisque c’est moi qui te fais pleurer. Je te fais pleurer, moi qui suis venu à toi, croyant t’apporter des trésors de tendresse, me vantant à moi-même de t’inonder de joie et de confiance… Ah ! je suis maudit, et tout ce qui m’arrive, c’est ma faute ! C’est ma folle existence qui te rend si courageuse devant la possibilité de vaincre ton amour. Je ne vaux pas la peine d’être disputé, tu le sens, et tu ne me disputeras pas !

— Voilà qui est plus cruel que tout le reste, lui dis-je, je ne croyais pas mériter ce reproche-là !

Il se jeta à mes pieds et me demanda passionnément pardon, et moi, je sentais qu’il m’était si cher que je lui demandais pardon encore plus de l’avoir fait souffrir.

Cependant la voiture descendait rapidement dans des chemins affreux, et, comme la nuit se faisait un peu plus claire, je fis observer à Abel que nous étions sur une route qui n’était pas celle que j’avais suivie le matin.