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de voir à mes côtés. Cette promenade sinistre m’avait exaltée, il me passa par la tête des idées folles. N’était-ce pas là un endroit ménagé à souhait pour le suicide qui ne s’avoue pas ? Je n’avais qu’un léger mouvement à faire pour me laisser glisser dans cette eau noire et profonde qui mugissait à mes pieds. Qui s’en apercevrait ? qui me retrouverait là ? qui saurait jamais si je n’y étais pas tombée par accident ?

Cette rêverie s’empara de moi au point que, pour résister au vertige de l’abîme, j’étendis la main pour me tenir à un angle du rocher. Ma main rencontra le bras d’une personne qui était derrière moi et que je n’avais pas vue, que je ne pouvais pas distinguer.

— Est-ce vous, Elisabeth ? lui dis-je.

Elle ne me répondit pas et glissa comme une ombre confuse. Elisabeth était à quelque distance, elle m’entendit et vint à moi avec sa lumière. La personne avait disparu. J’avoue que j’avais eu peur, et qu’au milieu de mon désir de suicide l’approche d’un danger inconnu m’avait rappelée à la raison. Je pensais qu’un des ouvriers avait voulu me voler ou, chose pire, m’insulter. Je n’osai dire ma puérilité à la jeune fille, et je me rapprochai des lumières.

Mais, quand j’eus assez vu le site, et qu’elle me proposa de reprendre notre route, car nous avions encore une heure à marcher avant de pouvoir sor-