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Il fallait plus d’étrangeté que de force dans l’esprit pour l’avoir conçu. Pour s’y attacher et le poursuivre, il fallait peut-être de la force réelle dans le caractère ; mais qu’est-ce qu’une force mal employée ? Une simple énergie vitale que ne dirige pas une puissance vraie. Certes, mademoiselle d’Ortosa pouvait atteindre son but, nous vivons dans la phase des aventures, et l’histoire moderne est ouverte à toutes les ambitions. Il n’est pas nécessaire d’avoir une grande taille pour faire de grandes enjambées quand le hasard, renversant les vieilles institutions séculaires et bouleversant les mœurs, apporte un élément nouveau et tout à fait imprévu dans les destinées humaines. Chacun pouvant prétendre à tout, personne n’est fou d’aspirer à la domination par l’intelligence. Là où mademoiselle d’Ortosa était insensée selon moi, c’était de chercher le pouvoir, l’ascendant, l’éclat, comme elle disait, dans une situation matérielle quelconque. Il me semblait que le vrai pouvoir, celui qui atteint le cœur, la raison et la conscience, n’a besoin ni de trône, ni d’armée, ni d’argent. Pour l’obtenir, il n’y a qu’un travail à faire sur soi-même, chercher le beau, le vrai, et le répandre dans la mesure de ses forces. Si on n’en a que de médiocres, on ne fait qu’un peu de bien. C’était mon lot, et je m’en contentais. Ce peu valait encore mieux que le beaucoup de mal qu’il faut faire pour usurper la puissance. Avec les forces de mademoiselle d’Ortosa,