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étiez-vous, miss Owen, le jour du concert de MM. Abel et Nouville à Mézières, il y a six mois ? Dans une maison respectable, je le sais, ne rougissez pas ; mais où était le virtuose Abel entre la première et la seconde partie du concert ? Je le sais aussi ! J’étais dans un bateau, moi, toute seule, sur le bord de la Meuse. Je n’aime pas les concerts, c’est trop long. Je me réservais pour l’heure où je savais qu’Abel jouerait son morceau d’apparat, et j’avais persuadé à lady Hosborn de faire une visite à Monthermé pendant que je flânerais sur le rivage. Je vous ai vue seule d’abord avec un enfant. J’ai abordé, je voulais aller à vous, marcher dans la même prairie, vous rencontrer et vous parler comme par hasard. Je savais combien vous êtes jolie, je vous avais remarquée en diverses rencontres. Je voulais savoir si vous aviez autant de grâce et de charme qu’on vous en attribuait ; mais à peine étais-je dans les arbres du rivage que j’ai vu Abel près de vous, à l’entrée d’un kiosque rustique. Je l’ai vu baiser vos mains, j’ai entendu ce qu’il vous disait, je me suis retrouvée avec lui dans le convoi qui me menait et qui le ramenait à son concert. Je n’ai pas paru le voir, et il s’est jeté dans un autre compartiment, car il me connaît bien, lui, nous nous sommes rencontrés souvent en Allemagne et en Russie. Ne pâlissez pas ; je ne suis pas une de vos rivales ! Je l’ai revu en plein concert. Il avait bien chaud, le pauvre garçon ; mais il avait l’ivresse