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lasse, qu’il porte ma tête au bout d’une pique ! ce serais jour de l’éclat suprême, et cette face pâle, plus couronnée encore par le martyre, restera à jamais gravée dans la mémoire des hommes !

Mademoiselle d’Ortosa s’arrêta, plongeant sur moi des regards dont le feu aveuglait ; puis elle les ferma, et, comme si elle m’eût oubliée, parut plongée dans la vision de son rêve. Je confesse que je la jugeai complètement folle, et que je cherchai avec anxiété autour de moi pour m’échapper en cas d’un accès de fureur ; mais elle se releva très-calme, fit quelques pas, me prit le bras, et me dit avec un charmant sourire :

— J’ai été un peu loin, n’est-ce pas ? Je ne comptais pas vous dire toutes ces choses ; je ne les ai jamais dites à personne, et j’avais besoin de les dire. À présent je ne les dirai plus, car le premier point pour réussir, c’est que personne ne soit en garde contre vous. Je compte donc sur votre silence, et je vous le demande très-sérieusement ; je dirai plus, je l’exige.

— Ce mot est un peu altier, lui répondis-je en riant ; vous n’êtes pas encore reine !

— Non, mais j’ai votre secret comme vous avez le mien.

— Je n’ai pas de secret.

— Pardonnez -moi ; un tout petit secret, qui, s’il était divulgué, vous donnerait plus de souci que mes grands projets ne peuvent m’en donner. Où