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ma loyale amitié ; mais j’ai rencontré aussi des fats furieux qui ne m’ont pas pardonné de leur résister, et qui m’ont accusée de les avoir rendus fous pour leur administrer ensuite la douche glacée de mon dédain. Cela n’était pas vrai ; je vous jure, miss Owen, que cela n’était pas vrai !

— Et à présent, mademoiselle d’Ortosa, est-ce vrai ? En effet, je me le rappelle, c’est ce que l’on vous reproche généralement.

— À présent, dit-elle avec un peu d’hésitation…, vous voulez donc tout savoir ?

— Il me semblait que c’était le second chapitre, puisque le troisième est consacré à l’avenir.

— Vous avez raison, reprit-elle ; je dirai tout, puisque j’ai un auditeur si attentif et si impartial. En vérité, j’ai du plaisir à me résumer devant vous ; mais je ne puis parler du présent qu’en expliquant l’avenir. Donc, le voici, voici le but. — Je ne l’ai entrevu que récemment, c’est-à-dire après ma vingt-quatrième année révolue. Jusque-là, mon existence errante m’avait plu sans réserve ; mais je fis cette réflexion, qu’elle ne pouvait pas durer toujours, vu que la beauté n’est pas éternelle. Elle ne m’avait servi qu’à apparaître, il était temps qu’elle me servît à rester sur l’horizon, cette beauté, puissance indispensable dont je n’avais pas encore bien mesuré la portée ; je calculai froidement ses chances ; je me dis qu’elle pouvait rester stable de vingt-cinq à trente ans, et qu’elle devait inévita-