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bien-aimée de ma tante. Ils trouvaient tout simple que ma jeunesse, ma danse enivrante, mon caquet éblouissant et sérieux au besoin, enfin le prestige que j’exerçais déjà, servissent à peupler leurs salons en échange de quelques jolis chiffons et du pain quotidien qu’ils me donnaient. En somme, j’étais plus heureuse que madame de Maintenon, à qui l’on avait fait garder les dindes, et je ne me plaignis pas ; mais un jour je pris ma volée en déclarant que j’étais invitée par la vieille cousine de Nice et que je voulais changer d’air.

» Il y eut une scène d’intérieur.

» — Je vois ce que c’est, dit l’oncle dix fois millionnaire, vous voulez vous marier. Allons ! on vous mariera !

» — Soit, répondis-je ; mais je veux me marier très-bien ou pas du tout. Il me faut un million, sans marchander, mon cher oncle, ou je ne me marie pas.

» Il se récria. Je me pris à rire, et je partis.

» Ma cousine de Nice est médiocrement riche et très-ambitieuse de ce qu’elle appelle les honneurs. Vieille fille assez bornée, quoique instruite, elle a toujours aspiré à être lectrice ou dame d’atours de quelque reine ou princesse. Elle est trop âgée maintenant pour prétendre à ces hautes destinées, mais elle essaya de me communiquer son ambition, la seule, disait-elle, qui pût convenir à une fille de bonne maison sans fortune.

» C’était une idée, mais j’en avais une meilleure.