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su faire son chemin, c’est-à-dire le chemin de son unique ambition, la richesse, en épousant un spéculateur heureux. Ce fut elle qui me donna asile à Londres, quand j’eus la douleur de perdre ma mère. J’avais seize ans ; mais, bien que je ne fusse pas encore entrée officiellement dans le monde, je le connaissais à fond. J’avais tout vu par la porte mal fermée qui séparait mon gynécée ambulant du boudoir de ma mère. Nous n’étions pas assez riches pour recevoir beaucoup de gens, c’était une bonne condition pour entendre causer, pour connaître tous les petits ressorts qui font mouvoir ce grand théâtre.

» Quand j’entrai dans l’opulence de ma tante, j’étais trop grande fille pour vivre à l’écart, et, comme je commençais à tourner beaucoup de têtes, sa maison, un peu lourde de dorures et abêtie par les marchands d’or, s’éclaira d’un rayon de bon ton et s’assouplit sous les pas de gens à la mode. Ma tante en fut ravie ; mon oncle le banquier fut flatté de voir des personnes titrées à sa table ; mais, quand on lui demanda ma main, il répondit que j’étais assez agréable pour me passer d’une dot. Je compris, à la figure de mes prétendants, qu’on me plaignait beaucoup. Ma fierté en fut blessée. Je déclarai à qui voulut l’entendre que je n’avais aucun souci du mariage, et que j’aimais trop ma liberté pour l’aliéner.

» Je fus alors l’enfant chérie ; de mon oncle et la