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fait rien par elle-même, — mais où j’ai puisé le culte de la volonté. Oui, les romans les plus invraisemblables ont, dans la vie, des solutions possibles, si on veut fortement ce que les auteurs — à qui la chose ne coûte rien — font accomplir à leurs personnages. Je suis donc romanesque à ma façon.

» Ma mère était d’âge à chercher un second mariage lorsqu’elle devint veuve. Elle n’avait recueilli de la succession de son mari que des dettes à payer. Son aventure de brigands avait fait un peu de bruit en Espagne. Elle voyagea pour échapper aux plaisanteries, du reste très-bienveillantes, qui eussent écarté les prétendants sérieux. Partout elle fut acclamée comme une des plus séduisantes personnes du monde ; mais elle était passionnée, ce fut son malheur. Elle aima ; et les hommes qu’on aime n’épousent pas.

» Je vis ses amours ; elle ne s’en cachait pas beaucoup, et j’étais curieuse. J’en parle, parce qu’ils sont à sa louange, comme vous devez l’entendre. Elle était plus tendre qu’ambitieuse, plus spontanée que prévoyante. Sa jeunesse se passa dans des ivresses toujours suivies de larmes. Elle était bonne et pleurait devant moi en me disant :

» — Embrasse-moi, console ta pauvre mère, qui a du chagrin !

» Pouvait-elle s’imaginer que j’en ignorais la cause ?

» Elle avait une sœur plus âgée qu’elle, qui avait