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cheval avec un domestique. Les chemins qui de chez moi aboutissent à la vieille route des Ardennes ne me permettaient pas d’aller en voiture. J’arrivai la première au rendez-vous. C’était un plateau boisé, plus élevé que tous les autres et dominant ces innombrables mamelons à escarpements rocheux qui portent les restes épars de l’immense forêt. La vue était triste, solennelle et admirable ; je fis mettre mes chevaux à la bergerie, j’y commandai un déjeuner rustique qui devait être servi sur le gazon. Le temps était charmant ; mars déployait toutes ses fleurettes, et je fis un gros bouquet d’anémones lilas et de pâquerettes sauvages. Mademoiselle d’Ortosa arriva au bout d’une demi-heure avec deux cavaliers, un domestique et un jeune crevé, — c’est ainsi qu’on appelle maintenant en France ce que l’on appelait autrefois chez nous un dandy ; mais cela ne se ressemble pas. Un dandy était une contrefaçon de grand seigneur, un crevé est une contrefaçon de jockey.

Comme je regardais avec peu de satisfaction ce personnage inattendu, mademoiselle d’Ortosa, qui s’en apercevait, sauta à terre en riant.

— Ne faites pas attention à ce gêneur, me dit-elle ; il ne nous gênera pas. C’est le prince Ourowski, que j’ai l’honneur de vous présenter. — À présent, jeune homme, lui dit-elle, en se tournant vers lui, vous avez salué, tout est dit. Vous savez ce qui a été convenu : vous avez voulu absolument