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game délirant était le grand inconnu d’où pouvaient sortir, brillantes ou funestes, toutes les destinées. Je compris bien que mon père ne savait pas l’ascendant que mademoiselle d’Ortosa avait pris sur ma sœur. Je me hasardai à lui demander pourquoi, prêchant le mariage aux autres, elle était encore demoiselle.

— Oh ! moi, dit-elle, c’est différent. J’ai une très-mauvaise réputation, je passe pour très-compromise, je le suis dans l’opinion des rigoristes, bien que je puisse jurer sur l’honneur n’avoir jamais été seulement tentée de commettre une faute. — Vous me regardez avec de beaux yeux étonnés… C’est comme cela, miss Owen, et, si vous pensiez le contraire, je vous remercie de l’indulgente bonté avec laquelle vous m’avez ouvert votre porte. Ceci, encore plus que votre excellente renommée, me prouve que vous avez la vraie vertu, celle qui ne jette la pierre à aucune femme déchue ; mais vous en serez cette fois pour vos frais de mansuétude. Je n’ai rien à me faire pardonner, et la mondaine personne qui vous parle vous apporte une pureté aussi intacte que la vôtre.

Elle avait l’assurance de la vérité. Je lui pris la main et lui répondis qu’en l’accueillant je n’avais pas d’opinion arrêtée sur son compte ; mais je la priai de me dire pourquoi, aimant la vertu, elle permettait qu’on parlât d’elle légèrement, et pourquoi elle s’était laissé ainsi compromettre dans l’opinion.