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père. Je résolus d’arriver sans l’avertir et de tomber dans ses bras à l’improviste.

Mes préparatifs furent vite faits. Je ne comptais pas exhiber de toilettes à Nice. Je m’habillai fort simplement. Je pris une seule caisse de voyage et je partis seule. Je n’avais pas autour de moi de domestiques qui eussent pu m’être utiles en route ; par économie, j’avais réduit mon personnel à un petit nombre de bonnes gens pris dans le pays, et la raison d’économie me dictait encore de restreindre au nécessaire mes frais de voyage, Adda n’avait pas cessé de railler et de critiquer mes progrès dans la parcimonie ; elle faisait autant de dépenses inutiles et comptait aussi peu qu’avant nos désastres. Je tenais plus que jamais à conserver mon reste d’aisance pour doter sa fille.

J’arrivai à Lyon, seule dans le compartiment dit des dames seules. C’était le soir. Je ne m’étais jamais arrêtée dans cette grande ville. Je n’y connaissais personne et ne comptais y passer que la nuit ; je me sentais fatiguée et j’avais une forte migraine. je ne savais le nom d’aucun hôtel. Je montai dans le premier omnibus qui se présentait à la gare, je rabattis mon voile sur ma figure pour me préserver d’un vent frais qui m’était douloureux, et j’arrivai à un des plus beaux hôtels de Lyon sans avoir échangé un mot avec qui que ce soit depuis mon départ des Ardennes. J’avais traversé Paris sans y descendre ; j’avais résisté au désir de voir Nouville,