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Vous étiez heureuse, vous aimiez votre fiancé, je ne devais pas troubler votre bonheur par d’inutiles regrets. Ma sœur en prit moins bien son parti. La chère Adda, plus jeune que nous de deux ans, ne comprenait pas qu’un étranger fût venu, un beau matin, nous prendre votre cœur. Elle se courrouçait comme un enfant mutin contre M. Glymer, elle le haïssait. Elle prit en horreur le mot de fiancé, qui, pour elle, eut dès lors la signification de ravisseur et de brigand. Vous nous avez écrit pendant deux ans des lettres excellentes, mais un peu rares. Je les savourais ; Adda ne voulait pas seulement les voir. Je ne vous l’ai jamais dit, j’ai trouvé mille excuses à son silence ; mais, jusqu’au moment où, à son tour, elle a aimé quelqu’un, elle n’a cessé de dire que vous n’étiez plus rien pour elle, puisque nous avions cessé d’être tout pour vous.

Lorsque M. de Rémonville nous fut présenté à Montmorency, où nous avions loué une villa pour la saison, c’est moi qu’il comptait demander en mariage, mon père nous le fit entendre clairement. Adalric de Rémonville ne me fut pas sympathique à première vue, et j’avoue, puisque je ne dois plus avoir de restrictions, qu’il m’a toujours inspiré une sorte d’invincible éloignement. Vous savez que je ne suis pas une femme nerveuse, et qu’il m’est facile de renfermer ma première impression. Je me promis bien de ne jamais appartenir à ce gentilhomme, dont les opinions faussement libérales