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bituée à penser et à souffrir en musique. Fille d’un Anglais et d’une Française, élevée en France avec des idées anglaises persistantes, si, comme on le dit, je parle purement et facilement les deux lan~ gués, c’est peut-être que je manque de nationalité et que je n’ai le génie d’aucune. Vous croyez que l’étude d’analyse à laquelle vous me conviez apportera dans mon esprit une lumière qui fera cesser mes irrésolutions... Puissiez-vous avoir raison I Pour moi, il ne me semble pas que je sois irrésolue^ puisque aucun projet ne me sollicite et ne me sourit. Je crois bien plutôt que je suis découragée, et quand j’aurai contraint ma pensée à rechercher toutes les causes de mon abattement, peut-être serai-je encore plus dégoûtée de ma vie, qui n’a servi à rien et qui n’est plus assez intense et assez fraîche pour servir à quelque chose. Quoi qu’il en soit, je vais essayer. Si je ne me sens pas la force de continuer, du moins j’aurai eu la volonté de vous satisfaire.

Vous voyez, par la date de mon début, que je suis toujours dans cette retraite où mon habitation porte le nom de la montagne qui l’abrite. C’est à peu de dislance de mon parc que la Meuse s’encaisse profondément dans les grands rochers ap-’ pelés les Dames de Meuse. Je ne sais quelle légende a donné cco noms colorés aux objets qui m’environnent et au lieu que j’habite. Je sais que c’est là que mon douloureux roman a commencé et