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le pistolet n’est jamais chargé qu’à poudre.

» À peine avait-elle dit ces paroles cruelles, que le coup partit. Rémonville, défiguré, à peu près décapité, tomba presque sur elle. Je ne sais plus ce qui s’est passé pendant une heure. J’étais comme un homme qui lutte contre le cauchemar, sans savoir si c’est la veille ou le sommeil…

» Nous ne savions que penser du récit de Cléville. Était-il exact ? Je courus m’informer auprès des gens de l’hôtel. La Rochetal avait disparu, emportant ses bijoux, ses robes et tous les objets qu’elle avait pu emballer à la hâte. Le commissaire de police était en train de constater l’événement. Quand je revins auprès d’Abel, il n’était plus temps de vous écrire ; l’heure de la poste était passée. Votre ami est fort agité, comme vous pouvez croire, et il est entouré de tous les anciens habitués de la Rochetal, qui, les uns par sympathie, les autres par curiosité, viennent lui parler de cette tragédie. Il m’a chargé de vous la faire connaître dans tous les détails qu’il nous est possible de fournir. À vous d’aviser et de nous dicter vos ordres.

Cette lettre avait été rouverte comme si Abel en avait dicté la fin.

« Vous ne pouvez blâmer Abel, ce n’est pas lui, c’est la vérité qui a tué cet homme. Il ne savait pas que sa maîtresse voulait le quitter et ne cherchait qu’un prétexte. Il l’a fourni à son insu en signalant à visage découvert et tout haut l’indignité