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lui. Tu vois, il m’a forcée de mettre la plus laide de mes robes ; ne crois donc pas qu’il ait songé à te blesser ni à critiquer notre père. C’est à moi seule qu’il en a, et je prévois qu’il va m’emmener dès demain.

Je ne pus rien répondre, M. de Rémonville entra et me demanda si je voulais bien lui accorder un moment d’entretien.

— Pas maintenant, lui répondis-je avec fermeté ; j’entends que l’on accorde les instruments, et je ne ferai pas à ces messieurs l’impertinence de ne pas les écouter.

Je rentrai au salon. Je ne sais comment je sortis si brusquement de mes habitudes de patience et d’abnégation. Je pense que l’amour me donnait l’énergie qui manque à mon caractère.

J’espérais qu’Adda, pour me prouver la sincérité de son repentir, emmènerait son mari ; mais, ou elle ne le tenta pas, ou elle n’y put réussir. Il rentra au salon dès que le duo fut commencé, fit crier le parquet, eut des accès de toux vibrante, et finit par s’étendre sur le sofa bien en face des deux artistes, afin de dandiner son pied à contre-mesure. Nouville ne put retenir des mouvements d’impatience, mon père faillit s’emporter. Abel ne parut s’apercevoir de rien et joua mieux que jamais.

Quand le duo fut terminé, mon beau-frère nous fit la grâce de se retirer sans rien dire. Un instant après, Abel sortit du salon. Je pressentis quelque