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elle ; mais je désapprouve absolument M. de Rémonville.

— Pourquoi ? répondis-je. Il ne fait que répéter, dans des termes plus acerbes, ce que tu penses des artistes et ce que tu m’en as dit.

— Gronde-moi, Sarah ! tu en as le droit. Ce qui arrive vient de moi, et je m’en accuse. Oui, c’est moi qui ai écrit, il y a quatre jours, à mon mari, ta rencontre avec Abel, ses deux dîners ici, l’engouement musical de mon père et le concert projeté à Charleville. En écrivant cela, je te jure que je ne songeais pas à le faire intervenir, et tu as dû voir que son arrivée ce soir m’a péniblement surprise. Je ne sais pas toujours de quoi entretenir dans mes lettres un époux si souvent absent. Vraiment j’arrive à ne plus le connaître et à causer par écrit avec lui comme avec un homme du monde quelconque, pour qui je ferais de l’esprit, afin de dire quelque chose. J’ai peut-être fait quelques plaisanteries sur toi et sur M. Abel. Que veux-tu, je suis moqueuse ! et peut-être aussi, pressentant que mon mari blâmerait notre invraisemblable liaison avec ces artistes, ai-je pris ce ton railleur et dédaigneux pour le rassurer. Enfin j’ai eu tort, et j’en suis punie. Mon mari s’est mis en tête d’être jaloux. Il est accouru, il m’a fait une semonce, il a prétendu que j’aurais dû protester contre l’intrusion de ces vagabonds chez toi, ou prendre le chemin de fer dès le premier jour pour retourner près de