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gner. Il donnerait sur toute la frontière des matinées musicales qui motiveraient sa présence. Cela ne pouvait en aucune façon me compromettre. Il avait lu dans les yeux de mon père le vif désir d’une entente cordiale entre nous. Qui pourrait donc s’opposer à nos légitimes amours ? S’il fallait attendre le mariage un an entier, il se soumettrait, il avait juré de se soumettre ; mais pourquoi fallait-il se perdre de vue ?

Il semblait si heureux, que je n’eus pas le courage de le détromper. Quand il était là, ému, haletant, m’enveloppant de son beau regard, je ne pouvais me défendre de partager ses illusions. La résistance de ma sœur ne me paraissait plus sérieuse. Avec quelle chaleur il me remerciait de l’aimer ! avec quelle conviction il m’exprimait sa passion ! avec quel charme il me peignait l’avenir ! Le temps passait comme une flèche.

Je me rappelai qu’on l’attendait peut-être, qu’un nombreux auditoire s’étonnait de son absence. Je le forçai de regarder à sa montre, je le forçai de me quitter. Il n’en voyait plus la nécessité, il était ivre, il ne comprenait plus rien à la vie réelle. Sarah s’éveilla ; je ne voulais pas qu’elle le vît. Je le poussai dans le bois, il s’attachait à mes mains qu’il couvrait de baisers. Enfin il partit, et il arriva, il me l’a dit depuis, juste au moment où il devait jouer son grand morceau d’éclat. Neuville seul comprit d’où il venait. Il le débarrassa à la hâte de