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vais tour, qu’elle me croyait déjà engouée d’Abel et capable de rêver un mariage avec lui.

Mon père avait répondu qu’un tel mariage comblerait tous ses vœux, et ma sœur, très-irritée, s’était retirée en disant que ce n’était pas encore fait et qu’elle s’y opposerait de tout son pouvoir. À cette dernière réplique, mon père s’était fâché et lui avait dit en la reconduisant à sa chambre :

— Vous ne vous opposerez à rien, ma chère Adda. Il y a assez longtemps que vous travaillez à accaparer les soins et le dévouement de votre sœur, et que vous l’occupez de manière à ne pas lui laisser le temps de songer à elle-même. Je veux, moi, qu’elle y songe, et je combattrai très-énergiquement désormais le cruel ascendant que vous exercez sur elle.

En écoutant le récit que me faisait mon père de cette scène douloureuse, je fus prise d’un grand effroi. L’aversion de ma sœur pour Abel ne m’avait pas paru une chose sérieuse ; mais, du moment qu’elle prenait ce caractère, les rêves auxquels je m’étais laissé entraîner ne pouvaient plus se réaliser sans de cruels déchirements. Devais-je les provoquer par une nouvelle confidence à mon père ? Je connaissais son caractère expansif. La prudence et le mystère n’étaient pas dans sa nature. Il m’eût en vain promis d’attendre, pour révéler ce projet à ma sœur, qu’elle fût revenue à des sentiments plus équitables. Mon secret lui