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pas donné la clef du mystère, et j’étais plus qu’auparavant enragé de le découvrir.

Était-il bien certain qu’elle n’eût jamais aimé ? Qu’en savait-on ? On assurait qu’en province il n’y a pas de secret gardé. Je n’en croyais rien. L’habitation et les habitudes de mademoiselle Merquem se prêtaient admirablement au mystère. Entre son château, assez bizarrement distribué en lui-même, et le vieux manoir exclusivement attribué aux expériences scientifiques de M. Bellac, s’étendait en pente rapide un parc aux arbres séculaires, tapissé de broussailles et de rochers, et fermé de hautes murailles bien entretenues, où jamais ne s’entr’ouvraient ces brèches favorables aux surprises de mélodrame. Personne ne pénétrait dans cette retraite où la châtelaine avait, disait-on, un chalet qui lui servait de cabinet de travail et où elle passait une partie de ses journées. Quand elle était là, personne ne pouvait arriver jusqu’à elle. Le vieux marin qui gouvernait son intérieur était presque aussi inabordable, et, quand un importun mal initié aux habitudes de la maison insistait pour être admis, ce vieillard répondait d’un ton absolu :

— Mademoiselle n’est pas dans le château, et ce n’est point à ses gens de s’informer où elle est.

Mademoiselle Merquem pouvait donc cacher les jardins d’Armide dans cet invisible chaos de vieux arbres et de pâles rochers enveloppés des brumes de la mer. Elle pouvait, du haut du donjon inaccessible au vulgaire, appeler Léandre par de palpitants signaux braqués sur tous les points de l’horizon. Elle était riche et libérale, adorée des paysans, secourable et nécessaire à tous les habitants de la côte ; elle n’avait pas besoin de payer leur silence. Elle aimait, disait-on,