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j’avais reconnu de loin l’allure folle de votre cheval. Pour ne mettre personne dans la confidence de mes préoccupations, mademoiselle Merquem a bien voulu aller vous attendre au passage. Vous voici, asseyez-vous, écoutez, et tâchez de comprendre ce que j’ai à vous dire. — Je suis très-malade, mon fils. Je sens que j’ai peu de temps à vivre. Ce matin, après une querelle douloureuse avec vous, je me suis trouvée si faible, que j’ai cru mon heure arrivée. Vous étiez parti sans dire où vous alliez. J’ai cru que vous étiez retourné à Paris et que vous m’abandonniez. J’ai eu peur. Mourir seule, c’est affreux ! Une idée s’est présentée à moi dans la détresse de mon âme, une idée qui me semblait venir du ciel comme un ordre. Je me suis dit : « J’irai trouver Célie. Elle me doit de l’affection, elle ne me refusera pas la sienne. J’ai fermé les yeux de son grand-père, elle fermera les miens. J’ai méconnu cette fille généreuse. Je lui ai fait un crime de ne pas aimer mon fils. La conduite actuelle de ce malheureux lui donne raison. Elle avait pressenti la fougue de ses instincts et deviné la légèreté de son caractère. À présent, il n’est plus digne d’elle, elle ne craindra plus que j’aille la tourmenter pour lui faire accepter son nom ; mais je lui demanderai de me soutenir et de me consoler, moi, et, puisqu’il me laisse seule à mon désespoir, il rougira en apprenant qu’après avoir consacré ma vie à un fils ingrat, j’ai dû aller expirer sous le toit et dans les bras de celle que je regardais comme ma plus mortelle ennemie.

» Ma mère parla longtemps sur ce ton, et tout ce qui peut déchirer un cœur déjà brisé, elle sut le trouver et le dire. J’étais anéanti. Il ne me venait pas