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jours qu’on m’ait dit la vérité. Célie se prononçait énergiquement, m’a-t-on dit, contre tout projet de mariage : n’était-ce pas contre moi qu’elle protestait, et, si un autre fiancé se fût présenté à cette époque, ne l’eût-elle pas accepté ?

» Il ne s’en présenta pas. L’amiral, effrayé de son effroi, lui promit qu’on n’admettrait plus jamais dans la maison un prétendant quelconque à sa main sans son consentement. J’ignore, si elle eut à le refuser. Trois mois se passèrent sans qu’on pût lui prononcer mon nom. J’étais guéri, mais profondément affecté. Un jour, mon père me prit à part et me dit :

» — Mon cher enfant, il ne faut plus songer à la petite Merquem. Elle est décidément folle ; cela devait arriver. On l’a mal élevée : on lui a fait croire qu’elle était d’une essence divine. Personne ne lui semble digne d’elle ; elle montera en graine ; oublie-la, et viens avec moi faire un beau voyage en Chine. La mer guérit de tout. Il n’y a pas d’amourette qui vous suive d’un continent à l’autre.

» Ma mère ajouta :

» — Va, mon cher enfant ; il le faut. Célie est une sotte fantasque. Je la déteste, puisqu’elle me force à t’éloigner de moi.

» Mes parents me semblèrent avoir raison. Je me crus guéri par le dépit. Je le fus sans doute, car deux années de voyage au long cours rétablirent mon équilibre moral et physique, et, quand je revins ici, j’étais bien décidé à chercher femme et à me marier sous les yeux de ma belle dédaigneuse.

» Je ne la trouvai pas au pays. L’amiral était gravement atteint de la goutte. Elle l’avait conduit â Nice avec Bellac. Peu de temps après, ils revinrent.