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L’était-elle par un sentiment sérieux ? Ma bonne tante vivait dans une alternative de confiance et de doute, d’espoir et de tristesse. Mon rôle était d’empêcher que les nerfs ne se missent de la partie, et le soin affectueux que j’apportais à calmer ses anxiétés maternelles augmentait l’affection qu’elle avait toujours eue pour moi.

J’avais, dans cette préoccupation, peu d’instants pour songer à moi-même ; aussi je n’y songeais guère, et j’employais mon cœur et mon cerveau au service presque exclusif de la famille. Mademoiselle Merquem, bien qu’elle craignît beaucoup d’avoir trop d’influence sur la mienne et sur celle du fiancé, se voyait entraînée à s’occuper beaucoup du mariage. Ma tante ne voulait plus qu’on lui parlât d’autre chose, et la grande voisine, forcée de m’aider à la calmer, se trouva dans la situation de se lier avec nous, avec moi par conséquent, plus qu’elle n’eût fait sans cet incident. On ne se vit pas plus souvent pour cela. Célie Merquem avait des habitudes dont elle ne se départait pas. Elle venait toutes les semaines une fois, et nous lui rendions sa visite comme tout le monde, le dimanche soir ; mais on se voyait plus amicalement. On avait un petit secret en commun, on arrivait à l’intimité par une pente naturelle.

Cette liaison passa en moi par plusieurs phases. Ce fut d’abord une franche et irrésistible sympathie sans arrière-pensée, et puis une sorte d’indifférence affectée vis-à-vis de moi-même, à mesure que je sentis l’indifférence gracieuse où cet esprit tranquille se tenait renfermé à mon égard. Qu’avais-je à dire et de quoi me serais-je plaint ? De ce que cette grâce m’avait charmé, résulterait-il que l’attrait dût être récipro-