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fixée. Je crois que j’aimerais mieux le vieux Montroger !

— À quoi bon le préférer ? Il ne fait aucune attention à toi.

— Si j’étais décidée à le préférer, je saurais bien l’amener à me trouver parfaite ; mais j’aime mieux ne pas savoir ce que je veux. C’est un état d’esprit très-agréable pendant lequel on se voit adorée sans se donner la moindre peine.

— Voilà, repris-je, des coquetteries à l’adresse d’un absent, partant bien inutiles. Garde ton esprit pour le jour où il reviendra, mais n’en débite pas trop, car tu pourrais l’effrayer, et tu serais fort dépitée, s’il se retirait.

Pendant les semaines qui suivirent, les jeunes gens firent plus ample connaissance. M. de la Thoronais, receveur des finances, était un homme du monde accompli, un peu vide au fond. Son fils Julien était plus mûr et non moins aimable. Il me parut doué d’une certaine force de volonté, car, à diverses reprises, Erneste essaya de lui imposer ses caprices, et il feignit de ne pas comprendre. Elle en fut pour ses frais, et je la vis piquée, menaçant tout bas et de loin de l’éconduire, mais trop charmée de sa figure, de ses manières et de sa position pour oser donner suite à son dépit. Elle essayait bien quelquefois de faire en sa présence un cas particulier de M. de Montroger, et alors Julien se livrait à un enthousiasme très-vif pour mademoiselle Merquem. Ces deux graves personnages servaient sans s’en douter aux querelles et aux raccommodements des deux jeunes gens, mais en somme Erneste cédait peu à peu du terrain. La terrible enfant semblait matée par un enfant têtu et calme.