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de la fortune pour se lancer dans le tumulte du monde. Elle fut retenue par la crainte d’être comparée avec désavantage à Célie. Peut-être fut-elle souvent envieuse de cette incontestable supériorité dont Célie était si peu vaine ; mais elle n’en fit rien paraître et s’arrangea même pour agir quelquefois en personne sérieuse. Son époux y fut trompé et la tint toujours pour une forte tête.

— Au fait, me disait ma mère, elle est forte dans un cercle d’action bien défini.

— Et très-étroit, répondais-je intérieurement.

Notre mariage avait défrayé pendant deux ou trois mois toutes les conversations de l’entourage. On n’en parlait plus quand nous revînmes mariés à la Canielle. On en reparla alors, mais avec la tranquillité qui préside aux faits accomplis. Je ne trouvai que bienveillance et félicitations. Quant aux gens de mer de la Canielle, ce fut d’abord un cri de stupeur, presque d’épouvante ; mais la famille Guillaume, qui me protégeait ouvertement, fit connaître ; aux principaux chefs de famille, membres de la société des amis, que j’étais un frère, et qui plus est le filleul de Célie. Dès lors, on imposa silence aux femmes et aux enfants, et je fus reçu avec affection et confiance. Une grande fête nautique, avec barques pavoisées, régates et festin sur la grève, remplaça d’une manière charmante la noce que nous n’avions pas faite à Cannes. Stéphen consentit à passer l’été près de nous. Il ne faisait plus de peinture et vivait comme absorbé dans le rayonnement de notre bonheur. Son moral y gagnait, et nous étions surpris de trouver en lui tant de facilité à changer les habitudes de toute sa vie pour nous témoigner un attachement exclusif qui paraissait lui suffire. Je