Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

leur, et ne fut pas consolée par le jeune la Thoronais, encore qu’il ne parût pas inconsolable.

Dès que je fus de retour à Cannes, nous annonçâmes aux amis communs notre union prochaine, et ma tante revint la bénir aux premiers jours du printemps. Nous étions heureux enfin, sans bruit et sans éclat, modestement, chastement, comme il nous convenait de l’être. Célie avait failli payer de sa vie la douceur adorable de ses instincts et l’inépuisable charité de son âme. Pouvais-je lui faire un reproche de mes souffrances, moi qui avais été enivré et subjugué par cette bonté souveraine, charme divin dans une femme qui eût pu s’attribuer l’indépendance de la supériorité intellectuelle et l’orgueil de la vertu incontestée ?

Au mois de mai, je demandai à ma chère compagne si elle ne souhaitait pas retourner chez elle ; elle me répondit en souriant qu’elle n’en savait rien.

— Vous devez pourtant regretter vos habitudes, vos vieux amis, vos braves matelots surtout, et votre mer gris de perle, et le vieux parc, et le canot du petit amiral !

— J’aimerais tout cela davantage, si vous l’aimiez, répondit-elle ; mais, si vous préférez la mer bleue, les mariniers du Midi et notre villa, je suis prête à me fixer ici pour toujours sans aucun regret. Je vous l’ai dit souvent, je n’ai plus de passé, je ne sais plus rien de la grande demoiselle, sinon qu’elle s’était gardée digne d’être aimée et capable d’aimer. Je n’ai plus ni goûts, ni habitudes, ni affections, ni plaisirs en dehors des vôtres. Si vous voulez que j’oublie tout ce que j’ai appris, j’oublierai même que j’ai su quelque chose et que j’ai aimé l’étude. Rien ne m’est plus,