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dépendance, et, par la dignité de sa conduite, elle a vraiment conquis le droit de vivre à trente ans comme si elle en avait soixante. Elle demeure seule et va seule où bon lui semble ; mais, en réalité, elle ne va presque nulle part, car elle n’a pas le goût de se montrer, et elle chérit la retraite. En venant chez nous, elle me fait beaucoup d’honneur, et je lui suis reconnaissante d’avoir bien voulu me prendre en amitié à première vue.

— Ne passe-t-elle pas pour une femme savante ?

— Elle passe pour une femme instruite. Quelques personnes croient qu’elle s’occupe de science, parce qu’elle héberge un vieux savant respectable avec lequel elle sait causer et se plaire. Il est certain que c’est un homme qui sait tout, et qu’on ne peut passer une heure avec lui sans apprendre quelque chose ; mais, quant à elle, elle nie qu’elle ait part à ces grandes connaissances. Elle ne parle jamais de manière à faire penser qu’elle en sache beaucoup plus long que les autres. Elle n’est extraordinaire que sur un point, l’obstination qu’elle a mise à ne pas connaître les joies, les peines et les devoirs de la famille.

— Mais, si elle n’a que trente ans et si elle est encore belle, elle peut bien se raviser ?

— Elle n’aurait, je crois, qu’un mot à dire pour trouver sous sa main un fort galant homme. On prétend que M. de Montroger a toujours été épris d’elle et qu’il l’est encore.

— Il est bien timide et bien gauche, s’il n’a pas su inspirer l’amour, ou tout au moins la confiance ?

— Il n’est ni gauche ni timide, et on cherche en vain la cause de son peu de succès. Il faut bien qu’il y en ait une ; on la saura avec le temps.