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Je ne pouvais me résoudre à quitter ses mains que je couvrais de baisers, et je ne pouvais pas non plus me décider à lui dire que Montroger, qu’elle croyait bien tranquille et bien résigné dans son château, était là, non loin d’elle, malade de colère et de chagrin. Elle croyait la partie gagnée et nageait dans la joie. Tout était remis en question, et j’avais le cœur navré. J’allais pourtant me taire, la laisser repartir, et assumer sur moi seul la tâche difficile, impossible peut-être, de lui ramener son tyran apaisé, lorsque je vis passer le médecin qui sortait de chez moi. Je demandai à Célie de m’attendre un instant, et je sautai sur la rive pour courir après lui. Il me répondit que le malade avait une fièvre violente et un accablement qui ne lui permettait pas de répondre aux questions. Il allait faire une autre visite et retournerait chez moi pour aviser au cas où le mal prendrait un aspect déterminé. Jusque-là, il ne pouvait dire s’il était grave, ou si ce n’était qu’un accès dont il serait facile de triompher.

Je ne pouvais cacher cette situation à mademoiselle Merquem. Dès qu’elle sut ce qui s’était passé, sa résolution fut prise. Une subite pâleur effaça les roses de son teint ; mais elle saisit ma main pour se lever et me dit en descendant au rivage :

— Il n’y a plus à se cacher, et notre tâche est à recommencer. Ma place est à son chevet, s’il est gravement malade ; sinon je dois être entre vous pour conjurer les orages, et je ne me rebuterai de rien. Conduisez-moi chez vous.

Elle prit congé des Guillaume et vint avec moi voir le malade, que Stéphen gardait à vue et qui paraissait anéanti.