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elle m’a permis de l’obséder de mes représentations et de mes prières, de mes désespoirs et de mes menaces, car je lui ai fait des scènes… Elle y a mis une patience d’ange. C’est au point qu’en la voyant se départir, par compassion pour moi, par inquiétude pour vous, de ses habitudes de claustration, le bourg de la Canielle s’est ému, les voisins ont causé, et madame de Malbois publie que je suis enfin heureux ! Cela vous fait froid dans le dos, je vois ça, et je peux bien me donner le plaisir de vous rendre un peu jaloux, moi qui n’ai plus qu’un parti à prendre, celui de vous ramener aux pieds de Célie et de bénir votre hyménée, sous peine de passer pour l’homme le mieux dupé qu’il y ait sous le soleil.

— Est-ce là le parti auquel vous vous êtes arrêté ?

— Attendez ! n’interrompez pas. Ce parti m’a été certainement présenté comme le meilleur par mademoiselle Merquem, et il y a eu des jours où j’en étais persuadé ; mais je ne pouvais pas me rendre, c’était plus fort que moi. Il me semble que j’avais le droit de la faire souffrir, moi qui souffrais tant ! Je ne lui ai rien épargné, pas même les menaces et la malédiction d’outre-tombe du grand-père. Je lui ai fait peur, je l’ai fait pleurer, je l’ai rendue malade. Il faut que vous sachiez tout cela,… et peut-être ne pourrez-vous pas me le pardonner. — C’est ce que je souhaite quand je suis seul, bien que je me repente quand je vois Célie pâle et abattue ; alors, je me soumets et lui demande pardon, je lui promets tout ce qu’elle veut. Le lendemain, je reprends ma parole et je la désespère. Je voudrais que, lasse d’une pareille lutte, elle renonçât bien définitivement et bien solennellement au mariage. Je mets parfois votre vie ou la mienne à