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— Tu inventes cela. Comment le saurais-tu ?

— Je le sais parce qu’on s’est caché de moi pour y penser, et que ce mystère m’a donné le droit d’entendre et de deviner. Maman ne fait pas autre chose que d’interroger adroitement l’homme le plus stupide des cinq parties du monde, M. Bellac, un vieux savant qui demeure chez mademoiselle Merquem, et que les paysans de par ici tiennent pour sorcier, parce qu’il fait de l’or avec elle, à ce qu’ils prétendent. D’autres disent qu’ils évoquent ou conjurent les vents, et que, du haut du vieux donjon qu’ils habitent là-bas sur la colline, ils parlent à la mer, aux nuages et aux étoiles. La cuisinière que nous avons a demeuré chez eux. Elle jure qu’ils fabriquent des poisons, qu’ils déterrent des cadavres…

— Et qu’ils mangent des enfants ? Eh bien, voilà une jolie femme que ma tante me destine !

— Tu te moques de moi ? Je t’assure qu’il y a une chose vraie dans tout cela, c’est que mademoiselle Merquem travaille la nuit avec ce vieux alchimiste.

— Et que ta mère est curieuse de savoir au juste quelle science ils étudient ?

— Non, maman admire les gens qui étudient n’importe quoi. Quand elle interroge M. Bellac, c’est sur les mérites et vertus de la châtelaine, et aussi parce qu’elle voudrait savoir si elle a fait vœu de ne pas se marier. Maman est bien bonne de se tourmenter de cela. Quel vœu aurait pu faire une personne qui ne croit à rien ?

— Mais sil elle croit au diable, puisqu’elle s’est donnée à lui. C’est quelque chose en matière de foi f

— Allons ! tu ne veux rien prendre au sérieux ! inutile que je me donne la peine de causer avec toi. J’al-