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attendant la mort en voyant monter le flot. C’est bien dur pour un homme jeune et rempli de belles espérances de voir comme ça approcher son trépas sans pouvoir l’éviter !

Ici, le narrateur risqua quelques réflexions philosophiques et un peu de poésie descriptive, à sa manière. Il termina en disant qu’il était un homme ruiné, qu’il avait perdu un portefeuille précieux, des bijoux, ses papiers de famille et un portrait de femme. Quand il nous jugea assez attendris sur son sort, il nous supplia de procéder vite à la collecte et de le présenter à la demoiselle, qui l’agréerait peut-être à son service comme cuisinier ou secrétaire.

— Pour le dernier point, lui répondit Stéphen, personne ici ne vous recommandera, vu que vous êtes un poltron et un ingrat. Votre bourgeois est un drôle, nous le savons ; mais, pour vous sauver, il a déployé un courage enragé, et, tout aussi bien qu’à mon camarade, vous lui devez la vie. Ne parlez donc plus de lui, vous n’en avez pas le droit. Voici de quoi vous en retourner à Étretat. Filez tout de suite, et qu’on n’entende plus parler de vous !

Le valet expédié et le maître disparu, nous allâmes déjeuner avec la famille Guillaume, et, comme on était rétrospectivement ému des incidents de la veille, ainsi qu’il arrive toujours quand on rentre dans le calme, le repas dura fort longtemps. Je laissais passer les heures, espérant que Célie viendrait se promener au bourg ; mais elle ne vint pas, et je dus songer à rejoindre ma pauvre tante, qui s’inquiétait peut-être de mon absence. Je remontai dans ma carriole, et Stéphen voulut m’accompagner jusqu’à la