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tions. Enfin, hier, il a loué une méchante espèce de périssoire dont on lui a fait déposer le prix, vu qu’il ne voulait point de pilote, et prétendait être meilleur marin que pas un. Tant qu’il a voulu m’écouter, ça n’allait point trop mal, nous rasions la côte, que je connais un peu ; mais son idée était d’aller dans l’île aux guillemots, parce qu’on lui avait dit là-bas que la demoiselle y allait souvent déjeuner avec des pêcheurs. Nous avons vu de loin une barque amarrée. Il s’est figuré que c’était la sienne, et il s’est engagé dans les écueils pour aborder du côté où il ne serait pas vu. Nous avons trouvé là un petit jeune homme d’ici avec qui nous avions lié connaissance jeudi dernier. Il nous a appris que la demoiselle n’y était point, et que la véritable roche aux guillemots était beaucoup plus loin en mer. Il ne voulait pas nous y conduire, disant que la barque était trop faible et la houle trop forte, que d’ailleurs la demoiselle n’y était pas non plus. Le Brésilien s’est obstiné, disant qu’il voulait connaître l’endroit. Son idée était sans doute d’y surprendre la demoiselle un jour ou l’autre, de faire quelque méchante farce pour éloigner son équipage, peut-être d’y amener des bandits de son genre pour vous chercher querelle et rester le maître du terrain. C’est un homme capable de tout, je vous en réponds ! Enfin, à force de promesses et de menaces, il a emmené le petit, et vous devinez le reste. Nous avons abordé, mais sans pouvoir amarrer la barque, qui nous a échappé et qui est revenue s’aplatir sur le rocher. Pendant une heure, nous avons travaillé à en repêcher les morceaux, comme si ça eût pu servir à quelque chose. Moi, je me suis découragé et couché en pleurant sur le haut de l’écueil