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poches, pour bien montrer qu’ils n’étaient que témoins.

— En avez-vous assez ? lui dit Stéphen.

— Pour le moment, oui, répondit-il en essuyant le sang qui ruisselait sur sa figure, puisque vous êtes trois contre un !

— Vous en avez menti, lui répliqua Stéphen, et, puisque vous le prenez comme ça, nous ne vous toucherons pas même pour vous relever. Allez vous faire panser à l’auberge.

Le marquis ne pouvait guère répondre ; je l’avais défiguré. Je le remis sur ses pieds, et il s’éloigna sans demander son reste. Au fait, nous étions quittes. Il m’avait blessé aussi assez grièvement. Célio m’en fit apercevoir, car je ne sentais rien. Nous rentrâmes chez Stéphen par le balcon, et je me lavai à la hâte. L’os du crâne n’était pas entamé. En pareil cas, les blessures à la tête ne sont rien. Je priai Stéphen d’aller en se promenant jeter un coup d’œil sur la grève. Mon adversaire n’aurait peut-être pas la force de gagner le cabaret de Michelon dans l’état où il était. Stéphen se souciait peu de lui ; mais il comprit que ce duel celtique à coups de silex était un duel en somme, et qu’il ne fallait pas abandonner les blessés sur le champ de bataille. Il sortit en me promettant de parler à Michelon sans irriter le vaincu, et de rétablir les faits dans le cas où le marquis porterait contre l’un de nous des accusations calomnieuses, ce dont il le jugeait fort capable.

Je remis vite mon bonnet de laine, et je reparus devant Célie sans montrer la moindre émotion. Les autres avaient tout vu de loin, mais ils s’étaient